The Heidies, duo instantané
Dernière mise à jour : 15 avr. 2020

Le duo, en matière d’Art, est comme une forme parfaite. Il épargne à l’oeuvre la solitude : que dirait-on d’un lieder de Schubert chanté sans la présence du piano ? Sans pour autant céder à l’exubérance : plus de quatre mains sur le clavier et c’est à n’y plus rien entendre.
Pour l’Art photographique, l’équation peu sembler moins naturelle. On ne peut
presser à deux le déclencheur de l’appareil, un diaphragme ne connait pas d’entredeux,
le point focal ne peut se trouver qu’en un seul infime lieu de l’espace, toute la
surface du film (ou du capteur numérique) ne connait qu’une seule sensibilité.


The Heidies est pourtant bien un duo, photographique. Un duo inséparable, à tel
point que je ne sais pas distinguer l’une de l’autre protagoniste. Laquelle met en
scène ? Laquelle cadre ? Laquelle pose ? Laquelle fait le point ? Laquelle choisit la
profondeur de champs ? Laquelle fixe le contraste et la couleur ? Laquelle prend tout
le soin nécessaire au tirage ?

En effet, la technique est une chose essentielle dans l’oeuvre des Heidies. C’est la
condition sine qua non à la beauté formelle de ces photos. Elle est d’autant
nécessaire que les oeuvres se déploient par séries, et que leur cohérence repose sur
une technique parfaite qui laisse toutefois la place à un plaisir visuel pour le
spectateur.

Car oui, je trouve un plaisir à parcourir du regard, à scander des yeux, chaque volet
de la série, du début à la fin, de m’accrocher aux mouvements d’une figure féminine,
qui marche, danse ou plonge, jouant avec le décor et les accessoires, ceux d’un
théâtre pas tout à fait minimaliste, mais dont on retrouve les formes simples d’une
« tableau » à l’autre.

Ainsi il ne s’agit pas de photographies seulement « pour la forme ». Mais chacune
porte une narration et un propos. La mise en scène est importante et ouvre le champ
vers la peinture qui est aussi exposée aujourd’hui.
Pour certaines photos, les peintures et collages de Caroline Denervaud ont servit de décor, ou « d’accessoires ». Les formes, les rythmes, les couleurs sont les mêmes, mêlées, partagées par Pascaline Dargant lorsqu’elle tient son appareil photo.

Pourquoi dès lors séparer, sur un critère de forme et de technique, ce qui s’allie à
merveille ? Je l’ai dit dès le début, un duo est un tout parfait. C’est l’essentielle raison
de ce « parcours » parmi les photos et les oeuvres peintes. L’on doit admettre que
l’exercice n’est pas nouveau et qu’il existe depuis bien longtemps longtemps un lien
entre les deux formes d’art.
Qu’il s’agisse de figuration, d’abstraction, ou, dans le cas de cette exposition, d’un
équilibre subtile entre les deux, le rapport entre les séries est plus qu’évident : il est
nécessaire.
C’est justement dans le caractère « instantané » des oeuvres peintes par Caroline Denervaud que réside ce même équilibre.
Le support « léger » du papier rappel celui du support photographique et la
souplesse de la caséine mélangée aux pigments,n’est pas sans évoquer
la gélatine argentique. Caroline y fixe des formes, des couleurs, un grain même,
tout à fait en adéquation avec les tirages photographiques.
Et s’il faut finir de disserter, au sujet d’un art ou d’un autre, d’une alliance possible